Gabriel Delmas

On observera les nids d’oiseaux, les essaims et les termitières comme des oeuvres d’architectures. Un savoir, obligatoire. L’intelligence dans la construction. Le modèle, savoir inhérent à l’espèce. L’homme est-il une espèce qui sait construire des tableaux ? Ou le dessin est-il libre dans un esprit illimité ? Ce que nous prenons pour des différences d’expressions ne sont peut-être que des variations. Le dessin commun à tous existe en nous. Nos façons de le projeter dans la matière sont seulement un peu différentes. On s’y applique plus ou moins, selon nos nécessités. Nous sommes libres donc d’y appliquer plus ou moins notre effort. Il faut d’abord se nourrir, faire le feu, se protéger, fuir les maladies, la violence et la mort. Mais, dans un second temps, à l’abri dans la grotte, nous pouvons faire des sons, chanter, communiquer, construire des pensées qui nous rassurent. Certaines d’entre elles sont musiques ou danses; elles disparaissent si tôt le spectacle fini. D’autres demandent aussi la patience du geste, en dehors du corps, dans la matière, et puis elles restent. On les retrouve. Elles sont sur la paroi, ce que nous avons vu des bêtes, pendant la chasse. Elles nous permettent de nommer les différents animaux, de se comprendre sur leurs formes. Elles sont la représentation de ce que nous avons vu. Et nous pouvons nous rendre compte que nous avons vu la même chose. Avec le temps, et les siècles passants, viendra cette idée nouvelle que l’autre peut nous montrer ce que nous n’avons pas vu. Depuis le début pourtant, le modèle initial est simple. Il s’agit de la lumière et de ses ombres. C’est la lumière qui crée les formes et les volumes de la représentation. On peut apprendre les formes comme autant de mots d’un langage. L’art pictural est sûrement né dans la nuit, à la lumière des feux, et il nous reste peut être de ces milliers d’années passés à observer les ombres et les feux, cette vision que l’art est ce rapport à la nuit, aux ombres et aux griffures du charbon sur la paroi.